lundi 21 septembre 2009

Ras le bol profond

Ce post a été modifié, car écrit dans un moment de colère mais surtout de grand désappointement(voir presque de désarroi), il a été mal écrit, parfois pas très compréhensible, parfois pas très juste, et si le fond est toujours là, il fallait que je retouche la forme.
Comme mes anciens messages, il ne sera sans doute plus jamais trop lu, mais il était important pour moi de le modifier. Il correspond mieux ainsi à mon état d'esprit et à mes pensées habituelles :


Le début de mon message sur Europe Assistance en a effrayé plus d'un. Et nombreux d'entre vous se sont inquiétés gentiment de ma santé m'envoyant des messages personnels ou sur le blog.

Je vous dois donc des explications, et aussi pour vous expliquer pourquoi j'ai été aussi longtemps absent cet été : 3 semaines de vacances, 10 jours pour essayer de faire le courrier en retard, et plus de 10 jours pour ruminer ma rage !

Ma santé physique va bien, je ne me suis pas cassé la jambe dans les montagnes de Toscane ou du Bugey, ni même dans mes récentes pérégrinations new-yorkaises, je n'ai pas (encore) la grippe malgré quelques alertes dans mon service !

Ma santé morale ne va pas trop mal, au moins du côté de la famille : je n'aime pas trop parler de ma vie privée, mais je vous dis que j'ai quand même une famille (femme et enfants) qui est formidable et qui m'aide bien à avoir la pêche.

Le ras le bol c'est le boulot, pas du tout de la part de mes petits patients et leurs familles... je sais que nombreux d'entre vous vont m'envoyer des messages gentils, pleins d'amitié me demandant de tenir bon, cela fait plaisir mais je n'en ai pas besoin. La satisfaction, je l'ai toujours, j'ai la chance d'exercer un métier concret, d'avoir une expérience qui me permet d'être souvent efficace, et même s'il y a parfois des échecs, le nombre de familles que j'espère aider est suffisamment important pour me donner une satisfaction bien égoïste devant le travail accompli.

Mais, certaines choses me découragent et là je suis très découragé !
Depuis 10 ans, je me bats pour que la prise en charge spécifique des enfants adoptés soit reconnue, combat débuté il y a 20 ans par JJ Choulot. Il y a d'ailleurs un vent de fronde dans beaucoup de consultations adoption, et cela fera peut être des remous, même si nous sommes tous d'accord pour ne pas laisser tomber les petits adoptés et leur famille.

L'évolution du système hospitalier est difficile sans doute pour de nombreux médecins, de nombreuses infirmières, probablement aussi pour les administratifs. J'ai personnellement beaucoup de mal à la vivre.
Les hôpitaux sont en faillite, on nous demande de la rentabilité, il est plus que raisonnable de penser à faire des économies et de ne pas jeter l'argent des assurés sociaux par la fenêtre.

Mais ce qui m'horripile c'est que depuis plusieurs années à tous les niveaux on nous demande d'être obsédés par le fric, le fric et encore le fric tous nos idéaux s'étiolent, nous avons l'impression de plus être là pour sauver des vies, soulager des enfants, mais pour éviter à nos hôpitaux d'être trop en faillite. Toutes les valeurs que la plupart des pédiatres chérissent (et qui nous ont fait choisir la spécialité la moins lucrative) sont plus basses que n'importe quel paillasson ! Je caricature mais c'est un peu : ce que j'avais écrit dans Libération : Vous êtes un piètre médecin, vous ne rassurez ni vos patients, ni leurs parents c'est pas grave, l'essentiel soit que vous codiez bien.
Ce n'est pas trop pour cela que nous avons voulu devenir pédiatres... et s'il est logique de justifier notre travail, il est moins logique de perdre trop de temps à de travail pour le justifier.
C'est décourageant de voir que tout le monde doit céder à cette rentabilité à tout prix, et de voir certains modèles obligés de virer dans cette obsession.

Dans mon hôpital, je suis parfois un peu malheureux parce que mon activité adoption, qui rend de grands services ne trouve pas toujours sa place. D'un côté c'est logique, si elle fait gagner de l'argent à la société (éviter des placements, éviter des épidémies ou d'autres gros soucis), elle ne rapporte quasiment rien à l'hôpital. Et d'un certain côté le directeur du CHU, le chef de pôle, le chef de service sont très gentils de la tolérer (je peux vous dire qu'ils sont tous les trois très bienveillants pour cette consultation), ce n'est pas à eux qu'il faudra jeter la pierre, si une décision de fermeture est prononcée.

J'ai parfois l'impression (mais peut-être n'est ce qu'une fausse impression) de ressentir l'argument suivant : "S'il peut faire son activité adoption pour laquelle on ne lui a jamais rien demandé, il peut faire autre chose".
Comme dans la plupart des services de pédiatrie, nous croulons tous plutôt sous le travail, et chacun défend son petit territoire au dépens des copains.

Je n'ai pas peur du travail, même si j'ai parfois un peu honte d'en faire beaucoup au détriment de ma famille, mais c'est mon activité adoption qui en souffre (un retard monstrueux pour mon courrier électronique par exemple, ou une impossibilité de faire des conférences ou des écrits) ou qui risque d'en souffrir (diminution des consultations, etc...). J'enrage aussi de ne pas pouvoir écrire d'articles par manque de temps. J'aim bien écrire,faire partager l'expérience unique acquise par la CAO, c'est essentiel.

L'attente de la fameuse épidémie grippale vient corser le tout. Je ne sais pas ce que cela va donner, si cela sera une vraie catastrophe ou un "bug de l'an 2000", mais on a bien compris que le gouvernement ne veut pas qu'il lui soit reproché d'être passé à côté !
Ce qui m'horripile c'est que ceux là-haut tout là-haut (et encore plus leurs dévoués adjudants-chefs) qui ne nous parlent que de fric et de rentabilité viennent maintenant nous demander d'être des gentils docteurs, ce qu'il nous reniait jusqu'alors.
A cause de la grippe, on nous explique que l'on devra peut être travailler 7 jours/7, que les gardes seront doublées, les vacances annulées, les récupérations de garde impensables, tout cela sans aucune compensation ni de salaire ni en jours de récupération (que de toutes façons je ne peux pratiquement jamais prendre). Les dévoués adjudants chefs nous déclarent tout à coup : "Je sais que votre devoir de médecin ne vous fera pas faillir". Effectivement, vous pouvez compter sur nous, nous serons toujours là pour nos patients, mais s'il vous plait, fermez votre grande gueule de faux-culs (il n'y a pas d'autres mots j'en suis désolé) mesdames et messieurs les adjudants-chefs !

Ceux qui me connaisse depuis longtemps savent que mes coups de gueule sont fréquents, mes ras le bol aussi. Jusqu'à maintenant ma motivation l'a été plus encore, mais chacun a ses limites. Sans amélioration, si la situation ne bouge pas, je préfère un hara-kiri à une compromission. J'ai toujours pensé qu'une consultation d'adoption qui voyait moins de 50 enfants par an n'avait pas lieu d'être. Avec un peu plus de 500 en 2008, cela permet une expérience qui fait référence. Pour l'instant j'arrive avec beaucoup d'effort à ne pas trop diminuer mon activité adoption, mais je ne sais combien de temps je pourrais tenir.

PS: Excusez cet épanchement, cela m'énerve de le faire ainsi, mais il y a des choses comme mon retard de courrier electronique dans lequel je me noie et qu'il faut expliquer !
Merci par avance pour tous les messages de soutien qui vont parvenir. Ils seront un peu inutiles car je m'aperçois tout seul que je rassure, soulage, et c'est une très belle motivation. Je ne crois plus non plus à d'éventuelles pétitions. Mais en dehors d'une prise en charge directe du dossier par le Président de la République je ne sais quelle peut être la solution, et vu les milliards que l'on dépense pour la grippe, il n'est pas envisageable de dépenser quelques millions pour les consultations d'adoption qui font faire des économies à notre pays.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah les joies de l'administration !!! ou on vous demande toujours plus et son contraire !!! Quelle idée , aussi de choisir la pédiatrie !!!une maaaaaaagnifique clinique esthétique ..........
S'accrocher à ses idées comme un chien s'accroche à son os demande du temps et beaucoup d'énergie !!!et on peut avoir l'impression de rejouer Don Quichotte contre ses moulins .......mais bravo à vous pour le sourire de nos enfants , le soulagement de leurs parents d'être enfin entendus et rassurés ...Surtout essayez de RESISTER !!!amicalement une mamie qui attend l'arrivée prochaine (?????????? !!!!!!) de sa petite poupée de chine

VIRGINIE a dit…

Bah dis donc...
Que peut-on faire ?
à part espérer que Carla et Nico adoptent et viennent vous voir avec leur
poupette en consult'...

Virginie

Malounette a dit…

Petit détail en apparté, pour les "montagnes" du Bugey, que je connais bien vu que c'est le berceau de ma belle-famille, elles serait plutôt synonyme de d'antistress et de promenades cool (peu de chance de s'y casser une jambe...).
Pour le reste, petite idée : il faudrait former certains de vos confrères dans votre domaine de prédilection qu'est l'adoption (ici, du côté du Mt Blanc, pas de consultations de ce type...) cela permettrait ainsi d'alléger votre emploi du temps (et de profiter plus souvent de votre petite famille).
Bon courage à vous..

Claire (toujours maman de mon petit gars chocolat...)