mardi 3 novembre 2009

Le jour où je t'ai rencontrée



Je ne t'ai dit que quelques mots, pour te demander la permission de te prendre en photo, tu as gentiment accepté, prenant une pose grave, sérieuse, puis tu as jeté un coup d'oeil à la photo sur l'appareil avant de repartir à ton boulot. Je ne sais ni ton nom, ni ton âge. Pourtant ta photo est maintenant sur mon bureau à l'hôpital, au milieu de toutes celles de ma famille, avec celle où je suis avec le Père Pedro. Ces deux photos m'aident à me secouer, à en faire plus quand je m'endors sur mes lauriers, à me rappeler l'urgence.
Tu es belle, pour ne pas dire magnifique, et chaque fois que je te vois, j'ai "la grosse boule" à l'estomac, et des picotements dans les yeux, et en même temps de la motivation pour le travail, pour ne pas se décourager et tenter d'en faire toujours un peu plus pour les enfants, pour tous les enfants du Monde, pour que des êtres humains ne soient plus obligés de faire le même boulot que toi.
C'est quoi ton boulot, si je l'ai mis en devinette, c'est pour marquer le coup, que vous soyez aussi surpris que moi en découvrant cela, un grand coup de poing dans l'estomac, ça fait mal, mais ça réveille ! Ce boulot donc : ramasser la poussière avec ta pelle et ta balayette, autour des étals, des sacs de riz (comme en voit derrière la photo de ton "collègue"). Glisser cette poussière dans un petit sac en plastique pour en faire après le tri et récupérer les quelques grains de riz qui constitueront ton repas.
Je n'étais qu'un vazaha que tu as croisé, que tu as vite oublié sans doute, tu as d'autres soucis, moi je ne suis pas près d'oublier ton regard.

Que dire de ton "collègue" qui fait le même boulot que toi ? Son regard est si doux, il a l'air si gentil qu'on a envie lui aussi de le prendre dans nos bras, de le protéger, de tout faire pour le sortir des tentacules de la misère et éviter qu'il ne tombe pas dans des mains mal intentionnées.

Chers lecteurs ne soyez pas juste voyeurs, j'espère que cette petite fille va vous toucher comme elle m'a touchée et me touche encore. Il n'est pas donné à tout le monde d'être un Père Pedro, mais chacun à notre échelle nous pouvons faire quelque chose pour que la vie de tous les enfants soit un peu meilleure.
Excusez ma sensiblerie, mais la rencontre de cette puce et de ce petit bonhomme qui a duré moins d'une minute m'a bouleversé. Avec celle du Père Pedro, ces rencontres auront été les plus marquantes de mon voyage.

10 commentaires:

Catherine a dit…

Vos témoignages et les photos parlent d'elle-même...boulversant pour nous qui aimons tant Mada.Les parents adoptants que je cotoie s'investissent tous dans des démarches individuelles,chacun à leur niveau.Nous,c'est avec une association "enfants sans frontières,la cigogne"que nous parrainons une trentaine d'enfants et des aides ponctuelles en plus pour une école dans le sud du pays.Et je me rends compte qu'on fait çà localement,sans site internet...on pourrait peut être interpeller plus de monde.Nos actions sont de petites gouttes d'eau et il y en aurait tant à faire.
Merci à vous.
Catherine.

Jean-Vital de Monléon a dit…

Grande poésie et philosophie du mercredi matin : les petites gouttes d'eau font les grands fleuves.
Avec peu de choses on peut en faire tant. Beaucoup de parents adoptifs s'investissent dans le pays d'origine de leurs enfants et c'est très bien...

Brigitte a dit…

Difficile de ne pas s'investir quand "on a vu", en Haïti le pays d'origine de ma fille je vois dans chaque reportage les yeux de ma fille, le sourire de ma fille,... moi c'est les gâteaux en glaise qui m'ont filé une taloche cuisante, un pays où les enfants mangent de la terre, est ce possible ? Comme ces ramasseurs de poussière, ces mangeurs de glaise ne me quittent pas... alors nous aussi on fait des micro-actions, une vache, des parrainages, quelques sous etc.
merci de votre récit et pour tout le reste d'ailleurs
Brigitte

Aurèle a dit…

Merci pour ce témoignage poignant qui m'a fait revivre mes trois séjours en Haïti, enfants de la misère à moitié dénudés à la recherche d'une miette de gâteau que mon petit Nay laisserait tomber. Les parrainages sont en effet une bonne chose, enfin j'espère, pour au moins apporter aux timouns haïtiens un peu d'indépendance pour plus tard, mais que faire pour tous ces enfants des rues ?

Tous les jours depuis un an et quelques jours je me réveille avec le sourire de mon fils, je n'oublie pas les images de son pays si fragile mais si cher à mon coeur.

Merci Docteur pour tout ce que vous faites pour les enfants du monde et de l'adoption, ce n'est pas une petite goutte que vous apportez mais bel et bien un seau de 10 L.

Aurèle et Nayenson (arrivée d'Haïti le 1-11-08)

VIRGINIE a dit…

Ce témoignage est bouleversant et les photos prennent aux tripes quand on sait ce que font ces enfants.
Merci pour ce que vous faites.
Virginie du 41
maman de deux timouns
marraine d'une petite à HCMV.

Véronique a dit…

Comment dire Cher Docteur ! Moi qui découvre votre blog, soit dit en passant une mine pour les adoptants ou ceux touchés par l'adoption, je tombe sur votre article et je suis encore plus mal qu'avant. Des enfants qui balayent la poussière autour de sacs de riz pour en extraire quelques grains pour manger !!!! Hallucinant quand dans nos pays riches les poubelles regorgent de produits à peine périmés, voire encore tout à fait comestibles. Que faire d'ENORME pour que la misère cesse. Bien sur que beaucoup de personnes œuvrent comme elles peuvent et ajoutent leurs petites gouttes d'eau et il faut continuer à le faire même si... Mais ce sont les dirigeants, les gouvernements, les hautes autorités qui feront réellement grossir les fleuves et eux ne bougent pas ou si peu ! C'est ce qui m'exaspère le plus voyez-vous. Et comme Brigitte et Aurèle, je suis malheureuse de voir qu'en Haïti le peuple en est réduit à bouffer de l'argile souillée par les eaux croupies. J'ai aussi des images d'Haïti, pays de ma fille encore là-bas, des images terribles comme cette toute jeune maman tenant son bébé pendu à son sein vidé, pleurant parce qu'il a faim, et des galettes d'argiles elle en faisait toute la journée pour les vendre à d’autres crève-la-faim aussi miséreux qu’elle. Ou encore une photo prise en Haïti par une journaliste partie en reportage dans les bidonvilles de Cité Soleil (quel joli nom pour tant de misère). Elle avait photographié un tout petit bonhomme à moitié nu, souillé de diarrhées jaunâtres dégoulinant sur ses frêles jambes. Et une autre qui me revient : un groupe d'enfants tout sourire, enfants des rues jouant autour d'un autre endormi sur le dos (ou mort ?), nu comme un ver. Insupportables images que tous les grands décideurs de nos riches pays devraient apposer sur les miroirs de leurs jolies demeures. Pourront-ils se regarder droit dans les yeux avec de telles images en ligne de mire ?

Tous les enfants sont magnifiques, quels qu’ils soient et ils ont tous droit au Respect et au Bonheur.

Désolée d'avoir été aussi longue et merci de nous permettre aussi de nous exprimer et de hurler nos colères si souvent refoulées.

Félicitations Cher Docteur pour votre blog.

Anonyme a dit…

Quelques retours à la réalité de millions de personnes ..c'est bien de temps en temps et je m'inclus dedans bien entendu !
frédérique (maman de Charlotte)

Valérie a dit…

Sensiblerie...non, émotion plutôt ...bien humaine !
Nous "fêtons " les droits de l'enfant... Que dire ?
Merci de nous faire partager cela, pour que nous n'oublions pas que beaucoup d'enfants ont besoin de nos témoignages.
Valérie ( maman de Juliette Ethiopie)

Mamaucy a dit…

Merci, c'est rare de dire ça pour un coup de poing en effeT.
la question n'est pas seulement "quel est son métier" mais aussi "quel devrait être son métier si le monde était plus juste ?".
je leur souhaite, à vos deux "modèles", de s'en sortir, autrement qu'en survivant.
Maya, maman de deux petits

Cécile a dit…

Il n'y pas de mots...Juste un sentiment de colère et d'impuissance!